La déchéance de nationalité abandonnée — Réforme constitutionnelle

Christiane Taubira

Christiane Taubira

Promise par François Hollande aux parlementaires réunis en Congrès trois jours après les attentats du 13 novembre, la déchéance de nationalité semblait depuis plusieurs jours et jusqu'à ce matin abandonnée. Le Premier ministre, Manuel Valls, s'est chargé de présenter le projet de réforme constitutionnelle, mercredi, à l'issue du conseil des ministres. Elle confiait ses doutes sur l'efficacité de la mesure et soulignait le problème qu'elle posait, selon elle, au principe fondamental du droit du sol. Le Premier ministre a d'ailleurs estimé " prématurée " la question de savoir si l'état d'urgence s'achèverait fin février, ou serait prolongé via un nouveau vote du Parlement. (...) Ce projet de loi est l'institutionnalisation du racisme d'Etat, l'institutionnalisation de la criminalisation du mouvement social.

Après le conseil des ministres, le locataire de Matignon, Manuel Valls, a mis en avant que l'état d'urgence tel qu'il est souhaité par l'exécutif "n'est pas un régime d'opacité" et que son inscription au coeur de la Constitution évitera "toute dérive partisane". Le PS, prudent, a noté que le gouvernement avait "suivi l'avis du Conseil d'Etat". Or, les mesures prises pour lutter contre le terrorisme doivent être "efficaces", avait-il souligné. Elle permet de "borner les critères de déclenchement de l'état d'urgence" et "d'encadrer les mesures de prolongation dans la Constitution", a-t-il ajouté. "Il ne s'agit absolument pas de dériver vers l'état d'urgence permanent", poursuit la même source.

Cela s'explique par l'interdiction de faire des apatrides: la mesure, déjà appliquée aux bi-nationaux naturalisés français, risque de stigmatiser une frange très restreinte de la population, soit quatre millions de personnes.

L'extension de la déchéance de nationalité aux binationaux nés français est un projet de la droite, qui avait proposé sans succès en 2014 et en 2015 à l'Assemblée nationale la possibilité de déchoir de leur nationalité les binationaux "portant les armes contre les forces françaises ou leurs alliés à l'occasion d'une intervention".

Depuis une semaine, le gouvernement avait laissé entendre qu'il pourrait abandonné la mesure, avant tout "symbolique". "C'est une sanction lourde que la nation est légitimement en droit d'infliger" aux personnes reconnues coupables d'actes terroristes. Interrogé sur une éventuelle démission de la ministre de la Justice, Manuel Valls a donc clairement éludé la question.

À Orléans, deux jeunes de nationalité française en lien avec un djihadiste français, lui aussi originaire d'Orléans mais parti en Syrie, ont été écroués au terme de leur garde à vue par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

Le projet de révision de la constitution a pour objectif de protéger les Français dans la durée face au terrorisme. Difficile d'imaginer Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon et consorts mener une campagne contre un référendum d'inspiration sécuritaire qui ouvrirait, qui plus est, la voie à la déchéance de nationalité que certains à droite réclament à grands cris. "Ce qu'ils demandent, c'est le rassemblement, l'unité nationale pour combattre le terrorisme", a soutenu le Premier ministre.

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